Après l’euphorie ayant accompagné dimanche dernier l’annonce des résultats des sondages pour l’élection présidentielle, place maintenant à la dure réalité. Ce n’est, en effet, pas une personne, quelle que soit l’étendue de ses propres compétences et de celle de son pouvoir au sein de l’Etat qui va adoucir ladite réalité.
Celle d’un pays pris, et à tous les niveaux, surtout ceux à caractère économique et financier, dans un inquiétant bourbier, et tenu de relever des défis vitaux. Un pays qui est en train de vivre une crise économique et politique devenue chronique et surtout une grave crise morale. Une situation qui est en train de menacer sa transition démocratique ainsi que son développement économique et social.
Dimanche dernier, une large majorité des Tunisiens ont donc choisi Kaïs Saïed, l’universitaire indépendant à la retraite, spécialiste du droit constitutionnel, réputé intègre, comme président de la République, face à Nabil Karoui, le bouillonnant et très critiqué homme des médias, sur lequel pèsent de graves accusations pour crimes financiers.
Le verdict a été on ne peut plus clair, non à la corruption, non à la manipulation et non à ceux qui jouent à cache-cache avec la loi et qui pourraient se connecter à des réseaux obscurs à l’international et risquer de devenir des collaborateurs avec le sionisme mondial.
Vrai champion de la pub, très ambitieux, Karoui est accusé aussi d’avoir profité de sa chaîne télé et de son association caritative pour se bâtir une popularité au sein des populations pauvres et marginalisées. Il a été accusé aussi, quelques jours avant le scrutin, d’avoir commandité les services d’une société étrangère de lobbying pour l’aider entre autres à remporter les élections.
Le peuple a donc dit son mot et les partisans de Saïed, dont une partie sont issus de divers courants politiques et idéologiques, ont fêté leur victoire dans la liesse et l’espoir. Certains dérapages ont été, hélas enregistrés et le risque de voir surgir des bandes agressives et violentes se vantant d’être partisanes du nouveau président afin d’imposer leur volonté, est à craindre.
Une bonne partie de ceux qui ont voté contre Saïed, avec pour argument son projet jugé utopiste et le fait qu’il soit soutenu par le parti islamiste Ennahdha (Il est soutenu également par un parti progressiste, Le Courant démocratique), ont par contre exprimé leur amertume et certains parmi eux se sont montrés très agressifs envers le gagnant et ses partisans.
Ce qui n’augure rien de bon. Car et avec l’intention de Karoui de contester le processus électoral lui-même, l’ambiance générale pourrait devenir électrique et finir par faire en sorte que le courant ne pourrait plus passer entre les différentes composantes de la classe politique, dont certains de ses éléments forment aujourd’hui le nouveau Parlement.
C’est le 6 octobre dernier, lors des législatives que la réalité immédiate est devenue, ainsi préoccupante. Un scrutin qui a donné naissance à un parlement quasi effrité, avec Ennahdha qui détient une faible majorité relative. Résultat, nous sommes devant un véritable casse-tête quant à l’impératif de la formation d’un nouveau gouvernement.
Au lieu de devenir un outil qui commencerait à résoudre les innombrables problèmes restés en suspens, le nouveau Parlement tel qu’il est pourrait devenir lui aussi un grave problème. Les partis et listes ayant choisi l’opposition possèdent en effet un poids supérieur à Ennahdha et ses alliés d’office.
Il faudrait donc s’attendre à une perte de temps qui pourrait avoir de lourdes et négatives conséquences sur une économie et des finances déjà meurtries. Cela sans oublier les tiraillements qui pourraient accompagner le processus de formation du gouvernement.
D’où la nécessité, pour sortir de cette impasse, de réunir l’ensemble des forces politiques et sociales du pays pour la conception d’un plan de sauvetage de l’économie et, de là, du pays. Un plan qui focalisera sur les priorités et tracera les grandes lignes de ce que devrait être le programme du nouveau gouvernement.
Après cela ces forces devraient s’employer à notre humble avis à élaborer une charte que nous avons appelée, « La Constitution économique et sociale de la Tunisie » (Voir notre précédente chronique) qui jettera entre autres les base du nouveau modèle de développement, tant attendu.
Foued ALLANI